
Faire du neuf avec du vieux : lorsqu’une Rock-star de sa génération (1945), et de son calibre, fouille dans sa malle aux souvenirs, il y trouve toujours de l’inédit, parfois même des trésors. Ainsi de ce Live At Berkeley en quatorze titres, matériel exhumé par Stephen Stills en personne. Ils ont été enregistrés les 20 et 21 août 1971 au Berkeley Community Theater. L’université de Berkeley était alors un foyer ardent de la contre-culture et de la contestation de la guerre au Vietnam. À l’été 1971, Stills commence sa première tournée solo pour promouvoir son deuxième album (Stephen Stills 2). Chaque soir un concert type, structure scrupuleusement modélisée d’un jour à l’autre : ouverture avec un set solo-acoustique guitare ou piano suivi d’un set électrique. « L’intimité du Berkeley Community Theatre semblait servir de point focal entre le public et l’énergie entourant le climat social de l’époque, explique Stills. C’était ma première tournée en tant qu’artiste solo et ces spectacles étaient bruyants et sans retenue.» Ce que l’on entend dans cet enregistrement, un public enthousiaste et policé applaudissant à la demande ou à la dernière note, infirme son propos. La restitution donnée ne serait donc pas fidèle à l’ambiance de la salle. C’est bien la seule réserve à poser tant cet album est une aubaine. A plusieurs égards. Le son, étonnamment bon. Nettoyé de toute scorie, il met superbement en relief la voix de l’auteur-compositeur-interprète et la dextérité du musicien. Les chansons : Stills enchaîne le meilleur de ses deux albums solos, se déroute par le répertoire partagé avec ses camarades Crosby Nash & Young (You don’t have to cry – The lee shore – 49 By-byes), avec Manassas (Jesus gave love away for free), dont la moitié du groupe tourne avec lui. Le musicien : au piano dans Sugar Babe et dans l’étonnant medley 49 Bye-byes/For What it’s worth ; à la guitare -n’était-il pas réputé l’égal d’Hendrix ?- qu’il ne lâche pas. Ouvert par son invitation à la résilience Love the one you’re with, que suit une superbe version de Do for the others avant que Crosby ne le rejoigne pour poser sa voix sur You don’t have to cry et une interprétation toute en nuances de The Lee Shore, le disque se referme sur Ecology song , précoce prise de conscience du désastre en marche (« Tous ces pleurs, alors que la terre est en train de mourir »), anticipant les conclusions du rapport Meadows. Et si l’on se demande pourquoi cette tournée fut aussi nommée « The Memphis Horns Tour » la réponse tient en deux titres furieux Bluebird revisited et Lean on me. Un grand merci pour ce travail aux archivistes d’Omnivore Recordings.
Un disque Omnivore Recordings – Photo Henry Diltz